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Notons et crédibilisons nos PME pour faciliter leur accès au financement

Brazzaville, 30/06/2025 – En Afrique, la crédibilité d’une entreprise conditionne plus que son potentiel réel sa capacité à mobiliser les capitaux nécessaires à sa croissance. Dans un contexte où plus de 90 % des entreprises sont des TPE et PME, souvent exclues des circuits de financement formel, l’enjeu n’est plus uniquement économique, il devient systémique. Le continent ne manque ni d’idées, ni d’entrepreneurs, ni même de ressources. Ce qui fait défaut entre autre un système de signalisation fiable, structuré, accessible et adapté à nos réalités pour qualifier les entreprises crédibles mais encore invisibles aux yeux des financeurs. C’est dans ce vide informationnel que s’installe la notation alternative.

La notation alternative est bien plus qu’un outil technique. Elle est un levier stratégique de crédibilisation. Là où les agences classiques notent les grandes entités sur la base de bilans audités et de ratios normés, nous proposons une lecture hybride, enracinée dans l’économie réelle africaine. Notre ambition avec le système Trust PME, développé au Congo, est claire : bâtir une passerelle entre les PME et les bailleurs, en réduisant l’asymétrie d’information, en révélant les forces souvent cachées des entreprises, et en instaurant une confiance objectivée. Car sans confiance, il n’y a pas de financement. Et sans financement, il n’y a pas de croissance durable.

Le défi est d’autant plus important que les banques, les investisseurs, les incubateurs et les agences de développement cherchent tous à déployer des capitaux vers les PME. Mais à défaut d’outils adaptés, ils peinent à qualifier la demande. Des entreprises solides avec un avenir certain sont écartées faute de preuves jugées suffisantes, tandis que les capitaux stagnent ou partent ailleurs.

Un écosystème déconnecté de la réalité des petites entreprises

Le modèle économique dominant repose encore largement sur des outils financiers pensés pour des structures formelles, alors que dans beaucoup de pays africains, la majorité des PME sont hybrides : entre vision stratégique et gestion intuitive. La Banque mondiale estime que près de 84 % des PME en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à un crédit formel. Ce n’est pas nécessairement parce qu’elles ne sont pas viables, mais parce qu’elles sont perçues comme non fiables. Cette perception repose sur une asymétrie d’information qui pénalise à la fois les entrepreneurs et les institutions financières.

En l’absence de données fiables, les établissements de crédit appliquent des critères standards souvent inadaptés. Les entrepreneurs, quant à eux, peinent à traduire leur savoir-faire et leur potentiel économique dans un langage que les banques comprennent. Cela engendre un cercle vicieux : faute de crédit, les PME n’investissent pas, ne se formalisent pas, et restent à la marge du système financier. Les dispositifs publics d’accompagnement, bien que louables, peinent à corriger cette fracture structurelle.

Face à ce constat, il est urgent de repenser nos grilles de lecture. C’est ce que nous propose Le Mentoren tant qu’agence de notation alternative basée au Congo, qui développe un système de notation sur mesure nommé Trust PME. Cette notation repose sur une approche hybride mêlant données qualitatives, compréhension du contexte local, et analyse structurée de la gouvernance, du modèle économique, de la stratégie, de l’impact environnemental-social et de la maîtrise des risques.

Trust PME propose une évaluation qui ne se limite pas à la comptabilité. Elle examine la manière dont l’entrepreneur gère sa trésorerie, fidélise ses clients, structure son offre, encadre ses équipes et évolue dans son environnement concurrentiel. Cette lecture permet de capter des signaux faibles, souvent invisibles dans une approche purement financière. C’est une notation de la crédibilité dans sa globalité, adaptée à un continent où l’économie réelle dépasse largement les indicateurs classiques.

Trust PME : une réponse adaptée aux défis locaux

Notre approche repose sur quatre piliers fondamentaux, qui ensemble, offrent une lecture complète, contextuelle et opérationnelle de chaque entreprise.

Le premier pilier est l’analyse financière. Contrairement aux approches classiques qui exigent des états financiers formels, nous mettons l’accent sur la capacité de l’entreprise à générer des ressources, à maîtriser sa trésorerie, à optimiser ses coûts et à atteindre un équilibre financier. Nous considérons également les pratiques informelles de financement, l’usage de crédits rotatifs locaux, ainsi que la régularité des flux financiers. Cette approche vise à révéler la logique économique sous-jacente, indépendamment de la tenue comptable formelle.

Le deuxième pilier est l’analyse stratégique et opérationnelle. Nous évaluons ici la clarté du positionnement de l’entreprise, la pertinence de son modèle économique, la cohérence de sa chaîne de valeur, ainsi que sa capacité d’exécution. La résilience opérationnelle, la maîtrise des processus clés, et l’agilité stratégique constituent autant d’indicateurs majeurs de compétitivité, même dans des environnements instables.

Le troisième pilier, que nous appelons cohérence humaine, se concentre sur la gouvernance, le leadership et la capacité organisationnelle. Nous étudions la vision du dirigeant, sa capacité à mobiliser une équipe, à déléguer efficacement et à faire preuve d’éthique dans sa gestion. La qualité humaine et managériale d’un entrepreneur est souvent un révélateur avancé de la performance à venir, surtout lorsque les repères techniques font défaut.

Le quatrième pilier est celui de l’impact environnemental et social. Il s’agit d’apprécier l’ancrage territorial, la contribution au tissu économique local, la relation avec les communautés, ainsi que les efforts pour réduire les externalités négatives. Ce pilier est crucial pour intégrer la durabilité dans l’évaluation, et aligner les entreprises avec les nouvelles exigences des partenaires techniques et financiers.

Chaque entreprise évaluée reçoit une note composite à quatre lettres  qui reflète la synthèse de ces quatre dimensions. Cette note est accompagnée d’un rapport détaillé qui devient un véritable passeport de crédibilité. Ce document permet aux banques, aux fonds d’investissement, aux structures d’accompagnement et aux partenaires techniques de disposer d’une vision claire, synthétique et contextualisée du potentiel réel de l’entreprise.

Plus qu’un simple score, cette notation joue un rôle structurant. Elle offre au dirigeant un miroir stratégique et un référentiel d’amélioration continue. C’est un outil qui encourage la formalisation progressive, l’amélioration des pratiques de gestion et l’alignement stratégique. En cela, notre système ne se limite pas à filtrer les entreprises bancables, mais contribue activement à leur montée en qualité et à leur bancarisation future.

Notre agence est nouvelle sur le marché de la République du Congo, convaincus que c’est dans les économies encore peu explorées que les solutions les plus innovantes peuvent germer. Le but du Mentor n’est pas seulement d’évaluer, mais aussi de structurer, d’accompagner et de former un tissu entrepreneurial résilient. Nous travaillons déjà à nouer des partenariats avec des institutions financières, des fonds d’investissement à impact et des structures publiques pour intégrer la notation dans les parcours de financement.

Ce que nous proposons, c’est une plateforme africaine de notation alternative, où les PME peuvent se référencer, se comparer, progresser et accéder plus facilement aux financements et aux opportunités économiques. Ce que nous proposons, c’est une révolution silencieuse par la crédibilité. Ce que nous construisons, c’est une base de données qualitative sur le tissu économique africain, trop longtemps réduit à des agrégats statistiques.

Pourquoi cela change tout ?

Car en crédibilisant une entreprise, on ne fait pas que faciliter l’accès au crédit. On lui ouvre l’accès à un nouveau champ de partenaires, de clients, de marchés publics, d’opportunités de croissance. Une entreprise crédibilisée devient visible, lisible, et donc bankable. Cette reconnaissance formelle, même si elle n’est pas encore institutionnalisée, a un effet de levier considérable sur la trajectoire entrepreneuriale.

La notation alternative devient alors un catalyseur de développement. Elle permet aux États de mieux cartographier leur tissu économique, aux bailleurs d’optimiser leur ciblage, et aux incubateurs de mieux accompagner leurs bénéficiaires. Elle structure l’écosystème entrepreneurial autour d’un langage commun : celui de la confiance objectivée.

Dans d’autres régions du monde, des initiatives similaires ont vu le jour. En Inde, par exemple, la Small Industries Development Bank (SIDBI) a mis en place des partenariats avec des agences de notation locales pour évaluer les micro-entreprises et leur ouvrir les portes du crédit. En Amérique latine, la notation participative communautaire a permis à des coopératives rurales d’accéder à des financements adaptés.

Ces expériences montrent que la notation, lorsqu’elle est adaptée aux réalités du terrain, peut transformer l’économie locale. Elles démontrent que ce n’est pas le concept de notation qui est à remettre en cause, mais son application uniforme, souvent déconnectée des réalités locales. En Afrique, l’opportunité est immense d’adopter un modèle hybride, enraciné dans les pratiques économiques existantes, mais suffisamment rigoureux pour

Une Afrique qui crédibilise ses PME est une Afrique qui prépare sa souveraineté économique

Si nous voulons voir nos PME devenir des champions nationaux, si nous voulons que le tissu économique local cesse d’être exclu des grandes décisions économiques, alors nous devons créer des mécanismes clairs, simples, rigoureux pour les évaluer. La notation alternative est une réponse. Le Mentor est prêt à jouer sa part. Le temps est venu de bâtir des écosystèmes de confiance.

Nous appelons toutes les institutions concernées à nous rejoindre dans cet effort. Ensemble, faisons de la crédibilité une nouvelle monnaie d’échange pour nos entreprises.

À propos de Baptiste-Junior Andely-Beeve
Baptiste Andely-Beeve est un expert congolais en entrepreneuriat . Il cumule plus de dix ans d’expérience dans le développement des PME et les politiques de soutien à l’économie locale. Il a dirigé des programmes pour la Fondation Téléma et contribué activement, en tant que spécialiste du développement des entreprises vertes, au projet USAID-CEERC. Fort d’un palmarès de formation de plus de 100 entrepreneurs, il a accompagné des coopératives dans plusieurs zones rurales du pays. Il dirige aujourd’hui le cabinet Le Mentor, une agence de notation des PME afin de faciliter leur structuration et leur financement.

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